Qui a tué Krim Belkacem ?
L’homme n’est pas n’importe qui. Il a pris le maquis avec un groupe de compagnons dont Moh Nachid, Mohand Talah Messaoud Ben Arab. dès 1947, bien avant le déclenchement de la révolution en 1954. Il était important de faire une halte sur son parcours.
Nous vous livrons une interview très rare et inédite de Krim Belkacem enregistrée en 1969 à la suite de la création en 1968 du Mouvement démocratique de la république algérienne (MDRA). Accusé d’avoir organisé au mois d’avril 1967 un attentat contre Boumediène, manipulé et trahi par une partie de son entourage, le tribunal d’Oran a condamné Krim Belkacem à mort par contumace. La sentence sera exécutée deux ans plus tard contre le négociateur en chef des accords d’Evian.
« Le régime est un régime de clan, de polices parallèles, il s’est imposé au peuple algérien par des putschs successifs…. Après avoir patienté cinq ans, nous avons créé le MDRA pour redonner au peuple algérien sa souveraineté… » déclare-t-il ici.
Krim Belkacem qui a aussi fait partie du premier noyau qui allait créé le FFS le 29 septembre 1963 avant d’être écarté, a dès l’indépendance affiché son opposition au régime de Ben Bella-Boumediene.
Il sera assassiné le 18 octobre 1970 à Francfort en Allemagne, avec la complicité des services d’espionnage algériens, comme l’ont souligné de nombreux auteurs et acteurs de l’opposition.
Dans un témoignage publié par le quotidien d’Algérie, Bernard Golay, raconte les derniers jours de Krim : « … Krim était très mécontent de ce qui se passait en Algérie avec le coup d’Etat de Boumediene qui avait remplacé Ben Bella à la Présidence. Krim estimait que les accords d’Evian n’avaient pas été respectés, surtout en ce qui concerne les droits démocratiques. C’est ce qui l’a incité à créer avec ses partisans le Mouvement démocratique du Renouveau algérien (MDRA) après l’assassinat de Mohamed Khider, un des chefs historiques de la révolution et détenteur du Trésor du FLN, abattu à Madrid en juillet 1967.
Dès lors l’activité politique reprend le dessus accompagnée de mesures de protection. Lors de ses séjours en Suisse, Krim bénéficiait d’une autorisation de séjour et prenait soin d’aviser la police fédérale de ses arrivées.
Le 10 octobre 1970, un samedi matin, nous recevons un coup de téléphone d’une personne inconnue qui demande où il peut atteindre Krim Belkacem. L’interlocuteur précise qu’il se trouve en Allemagne et que c’est urgent.
Dans l’après-midi, Krim m’appelle de Genève, me laisse un numéro de téléphone et demande que ce correspondant l’appelle à 18 heures. Les lundi et mardi suivants, Krim débarque à mon bureau et reçoit des appels téléphoniques d’Allemagne. Le mercredi, il revient avec un billet d’avion pour Francfort et me demande de le conduire à Genève. Je le laisse à l’hôtel d’Angleterre où il a déjà séjourné. Comme il n’a pas envie de voyager la nuit, il décide de partir le lendemain. »
Dernier signe de vie
« Le samedi suivant, 17 octobre, Krim nous téléphone. N’étant pas moi-même à la maison, c’est Martine qui répond. Krim dit qu’il est à Düsseldorf et qu’il va se rendre à Francfort. «Je rappellerai demain, si je peux» conclut-il. Cela a été son dernier signe de vie.
Le lundi suivant, je reçois un coup de téléphone d’Yves Courrière qui me demande où est Krim. Je lui réponds qu’il est à Francfort et j’entends Yves s’écrier: Ah, les salauds!». Il me dit avoir appris par un communiqué de presse que le corps d’un homme non identifié – car aucun papier n’a été trouvé sur lui – a été découvert dans une chambre de l’hôtel Intercontinental. Le médecin constate que l’homme a été anesthésié et étranglé avec sa ceinture et une cravate.
La police allemande me contacte et peut alors identifier la victime. Par la suite, son fils venu d’Alger confirmera qu’il s’agit bien de son père. Une commission rogatoire de la police criminelle allemande viendra à Lausanne pour m’interroger. Trois semaines plus tard, les objets et documents votés sont retrouvés dans un casier à la gare de Francfort. J’ai reçu les copies des fiches d’hôtel des assassins et j’ai informé les amis de Krim de ces détails.
J’ai été prié de prendre soin des funérailles pour un premier ensevelissement au cimetière de Francfort.
Beaucoup plus tard, les autorités algériennes ont fait transporter le corps à Alger où il repose avec les autres dirigeants décédés. Il a connu le sort de beaucoup d’autres dirigeants algériens, qui ont été éliminés. C’est ainsi que Ben Bella et plus tard Boumediene traitaient leurs adversaires politiques. Sa famille ainsi que Martine et moi-même avons perdu un être très cher. Il nous manque ainsi qu’à sa Kabylie natale et à son pays. »
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