Pour toi Lounés
Lorsque les ténèbres engloutissent la clarté avec la hargne et la boulimie de la bêtise, et que l’on assiste amer au greffage morbide de l’identité millénaire, alors le mythe devient réalité. Et ces démons nous agressent à chaque instant. Nous refusons de plier. Le greffon ne veut pas prendre et les bourgeons éclosent plus bas avec la rapidité de la force de la vie qu’on étouffe.
Nous n’aurons de paix que lorsque nous vivrons avec nous-mêmes et que nos ancêtres cesseront de se retourner dans leur tombe. La négation nous offusque à en mourir. Les tréfonds de notre âme en sont martyrisés. Matoub Lounes, tu chantes tout haut ce que tes frères ressentent tout bas. Victimes que nous sommes d’un système où le mot liberté veut dire : liberté des uns à disposer des autres. Tu es un baume au cœur outragé. Une preuve vivante de notre inénarrable attachement à rester debout. Le chant vient de ton âme et ta voix gonflée de rancœur et de colère nous réchauffe les os. Nous entrevoyons Taos Amrouche traverse les cieux de notre pays en compagnie d’un guerrier numide.
Les tatouages de nos mères deviennent alors vérités absolues. Rien d’autre ne saurait ni ne pourrait nous guider. Lounes, tu nous as rappelés avec bonheur que même lorsque l’on perd son sang, l’atavisme se régénère. Y a-t-il loi de la nature plus belle ? La confiscation de notre liberté par ces gueux qui nous gouvernent a fait de notre peuple un troupeau malade où les meilleurs ont disparu, isolés ou vaincus, et les médiocres ont prit des allures d’astres scintillants. Pleure, ô vestales.
Chante-leur, Lounes, que la démocratie a été le premier goût dans nos bouche, que nous l’avons tétée au sein de nos mères. Chante-leur notre soif de justice et de réparation. Chante, Matoub, chante ! Un poète peut-il mourir ?
Source: Page facebook Musique Kabyle