Des intellectuels demandent une présidentielle anticipée
Le changement de gouvernement intervenu tout récemment dans notre pays est véritablement unique en son genre ! Il montre que le processus de déliquescence de l’Etat algérien est bien avancé.
Depuis 2005, l’état de santé du président A. Bouteflika ne cesse de se dégrader. A l’évidence, le Président n’exerce plus ses fonctions constitutionnelles de manière effective, soutenue et transparente. Il n’est plus en mesure de recevoir dignement ses homologues étrangers, et il n’effectue plus de voyages officiels hors du pays. Pour rappel, un certain nombre de visites de chefs d’Etat étrangers ont été annulées. Et aucune rencontre ne semble programmée dans les mois à venir !
Cette situation, porteuse de grands périls, interroge aussi bien dans le pays que dans le monde. Evidemment, l’entourage du président Bouteflika continue de faire dans la gesticulation, affirmant à chaque fois que celui-ci jouit toujours de ses capacités pour gouverner (même au-delà de 2019 !) et relayant ses prétendus instructions, messages et échanges épistolaires et téléphoniques.
Sauf que ce Président, on ne l’entend plus et on ne le voit presque plus ! Les gens autour de lui pensent, ainsi, pouvoir gagner du temps, mais ils doivent savoir qu’ils sont, en fait, en train d’en faire perdre beaucoup au pays. Qui plus est, ils ne semblent pas hésiter à exploiter la maladie du Président d’une manière cynique, sans égard pour le malade.
Il n’y aurait là que des épisodes coutumiers auxquels nous a habitués une équipe dirigeante majoritairement corrompue et opportuniste, rétive à toute reddition de comptes, si le pays n’était en train de s’enfoncer dans une grave crise multidimensionnelle qui met à l’ordre du jour sa survie en tant qu’Etat-nation.
Sur le plan extérieur : notre pays se trouve marginalisé en dépit des gesticulations de son appareil diplomatique. Il devient l’objet de rapports intéressés, établis par des puissances étrangères faisant part, dans un langage plus ou moins diplomatique, d’un certain nombre d’inquiétudes quant à la dérive de l’Algérie vers un Etat failli ! Sur le plan intérieur : l’Algérie, tel un bateau ivre, vogue au gré de décisions erratiques et contradictoires. La corruption a atteint un seuil tel qu’elle affecte tous les secteurs de la vie économique et sociale du pays.
Dans cette situation, sinon de «vacance» du pouvoir politique de fait, du moins de sa fragmentation et de son délitement, où chaque partie prétend appliquer le «programme de Son Excellence le président Bouteflika», les luttes d’appareils et de clans s’exacerbent, les dissidences sociales s’élargissent jusqu’à remettre en cause la force de la loi et de l’Etat.
Nous, universitaires et intellectuels, conscients des périls qui guettent notre pays et refusant leur inéluctabilité, appelons les forces politiques et sociales représentatives de la nation et toutes celles et ceux qui veulent éviter que le pire n’advienne, de prendre leurs responsabilités pour faire valoir la nécessité d’organiser, dans la transparence, une élection présidentielle anticipée au cours des mois à venir. Il va sans dire que les initiateurs de cet Appel sont loin de croire qu’une élection présidentielle anticipée constituera la solution à l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays. Il y a urgence de sortir de ce statu quo mortifère. La raison voudrait que le pays aille vers une Constituante, avec une période de transition consensuelle.
Sans avoir à évoquer l’article 102, l’organisation d’une élection présidentielle anticipée reste possible si les promesses, maintes fois réitérées par le président Bouteflika en personne – particulièrement le discours de Sétif de mai 2012 –, sont assumées au niveau des cercles de pouvoir à l’égard des jeunes générations et de l’avenir du pays.
Alger, le 3 septembre 2017
-Mohammed Hennad (universitaire)
-Aissa Kadri (universitaire)
-Daho Djerbal (universitaire)
-Mustapha Benfodil (écrivain, journaliste)
-Ratiba Hadj-Moussa (universitaire)
-Cherif Rezki (journaliste)